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YAME .
ARISTEAu commencement, sur les nappes apaisantes d’un prélude à l’effet envoûtant, une voix familière pose le décor : « ÉBĒM est un lieu sacré où les gens se rencontrent pour apprendre des choses. » C’est ainsi que le père de Yamê introduit et définit le titre de l’album qu’il a lui-même trouvé pour son fils. Sur fond de transmission et d’apprentissage, le premier album de Yamê est un récit initiatique aux allures de conte qui emporte les auditeurs dans le for intérieur de l’artiste.
C’est l’histoire d’un trentenaire qui arrive à un moment de son existence où il se questionne sur sa place dans le monde. Il ne s’agit pas d’une crise identitaire, car Yamê sait d’où il vient ; ayant vécu six ans de son enfance au Cameroun avant de revenir en France. ÉBĒM est plutôt une quête de sens, une recherche d’équilibre, une volonté d’être pleinement aligné avec les plus belles valeurs possibles.
La plongée débute par une recherche d’une solitude réparatrice qui manque à l’artiste. Sur « Solo », la musique se fait confidente et aide Yamê à crier au monde sa volonté de se retrouver face à lui-même. Il en profite pour questionner son rapport ambivalent au produit psychotrope qu’il affectionne tant sur « Shoot ». Ne serait-ce pas le moment de mettre fin à cette addiction ? En attendant, il enfourche sa « Moto » pour continuer le cheminement de ses réflexions, notamment à propos de l’être humain et ses trahisons.
Le récit se transforme ensuite en une succession d‘épreuves et de prises de conscience que Yamê doit dépasser pour grandir. Les comportements de ceux qui l’entourent au regard du tournant que sa vie a pris depuis le succès sur « Bizarre », ou encore tout ce qui devient « Problème », et notamment une relation amoureuse, et qui doit être géré.
Et pour le guider dans cette quête, l’artiste a créé le personnage du Roi, une allégorie de la sagesse, représentée par son père, qui l’accompagne de ses conseils pour prendre les meilleures décisions : « Le Roi est omniscient, c’est lui qui a cette capacité de me faire avancer dans la vie », explique Yamê. Car ce qui compte le plus pour l’artiste, c’est justement la route empruntée. « Pour réussir son chemin, il faut prendre de l’expérience et écouter les anciens. Je passe à travers différentes étapes qui me permettent d’arriver à un chemin dont le but n’est pas encore défini », confie-t-il.
ÉBĒM se fait alors le reflet d’une dualité : trouver sa place dans un monde moderne, foisonnant de technologies, tout en restant fermement ancré dans les traditions qui forgent l’identité. Pour Yamê, la modernité n’aura jamais la valeur éducationnelle de certaines traditions des anciens. Dans cette effervescence interrogative, la figure paternelle est la branche qui relie Yamê à ses racines. Le Roi, « exilé, lui et son royaume oublié, dans un placard du passé », n’a gardé qu’une mélodie qu’il transmet à son fils, sa relève, chante Yamê sur le titre du même nom.
L’album nous invite tout en douceur, sans morale, à questionner la surcharge de l’instant et à privilégier le dialogue intérieur grâce aux expériences de nos aînés.
Tout au long des quatorze titres qui composent l’album, Yamê alterne entre ses diverses influences musicales, celles-là même qui permettent de le classer dans aucune catégorie. Un peu de chanson française, de jazz, de blues, de rap, quelques inspirations africaines, et une voix singulière qui offre des prestations marquantes sur plusieurs morceaux.
Un titre comme « Insensé » met en avant sa technicité rap quand les quelques notes de piano sur « Comme on le vit à deux » laissent toute la latitude à la voix et aux vocalises du chanteur. « Le Roi » offre une interprétation plus habitée sur des airs de rock quand « Céline » s’aventure sur une ambiance pop-rock des années 1990, tout en étant un bel exemple de l’évolution stylistique de l’écriture de Yamê.
Deux ans après avoir brillé aux yeux du monde, Yamê propose donc un album tourné vers l’intérieur qui lui permet d’aller à la rencontre des autres de manière encore plus sincère. ÉBĒM prouve que l’évolution constante de l’être résiste à toute épreuve et que les efforts consacrés dans la quête sont toujours récompensés. « Sans le chemin, la fin ne vaut rien. »